Petra Gössi: Une opportunité que nous devrions saisir
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Le PLR Suisse considère que la numérisation est une chance. Pourquoi?

Parce qu’elle permet à la Suisse, dans de nombreux domaines, de redéfinir ses processus de travail, de réduire les lourdeurs administratives aujourd’hui dépassées et de conserver notre rang de leader mondial en matière d’innovation. Elle est donc à mon sens une chance immense.

Et qu’en est-il des risques?

Bien sûr, la numérisation est également un défi, qui implique de nombreux changements. Et, c’est naturel, le changement suscite toujours un premier sentiment de peur. Mais je suis persuadée que nous saurons faire disparaitre cette peur, mais aussi atténuer les risques. Pour cela, nous devons investir dans la formation – écoles, formation continue et perfectionnement – et donner aux personnes tous les atouts pour réussir. Nous devons leur fournir les connaissances et la manière de penser qui leur permettront de faire face aux changements. Mais pour en revenir à la première réponse: les changements sont essentiellement une chance. Et nous devons la saisir. Tout comme la Suisse l’a toujours fait avec succès par le passé.

Jusqu’à quel point la numérisation est-elle supportable pour la personne?

Nous sommes au cœur de la 4e révolution industrielle. Avant, les personnes avaient plus de temps pour s’adapter aux changements. Aujourd’hui c’est différent, les cycles ne cessent de raccourcir. Je pense ainsi que la Suisse fera le bon choix si elle passe maintenant à l’offensive, saisit cette chance et essaie de conserver son rang de leader mondial dans le secteur de la numérisation. Mais nous avons déjà pris du retard: une grande partie des sociétés leader de l’économie numérique viennent de la Silicon Valley, suivies d’entreprises chinoises ou en provenances d’autres pays d’Asie. Les entreprises suisses peuvent toutefois revenir en tête de peloton dans un deuxième temps. Nous devons saisir cette chance, tout mettre en œuvre et poursuivre avec enthousiasme et sous le signe de l’innovation.

Vous dites «nous»: à qui pensez-vous? L’Etat, la sphère politique, l’économie?

Tout cela à la fois! La science, qui développe d’ores et déjà de nombreuses innovations et l’économie, qui joue aussi un rôle primordial, doivent continuer à s’impliquer. Ce n’est pas le moment de relâcher ses efforts! Les responsables politiques doivent quant à eux créer les conditions cadres requises et veiller à ce que les innovations ne soient pas entravées par la législation, actuelle ou nouvelle. La société doit pour sa part être prête à intégrer les changements et relever les défis. Je suis convaincue que nous allons réussir!

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie?

Prenons l’exemple du temps de travail. La badgeuse date de l’époque de la deuxième révolution industrielle. Si nous conservons ce mode de saisie du temps, nous empêcherons toutes les formes de travail flexible que permet la numérisation. Prenons un autre exemple, celui d’une personne qui travaille chez Uber: est-elle employée? indépendante? En matière de droit social, d’assurances et de responsabilité, de nouvelles questions surgissent auxquelles la politique doit trouver des réponses. Cela nécessite de sortir des sentiers battus. Les moyens et les approches traditionnels ne fourniront aucune réponse.

Certains attribuent le renforcement du populisme ou l’élection d’un polémiste comme Donald Trump au sentiment d’insatisfaction et d’impuissance que suscite l’évolution technologique rapide auprès d’un large public, lequel alimente la défiance à l’égard des institutions étatiques et des responsables politiques. Selon vous, dans quelle mesure ce risque pèse-t-il sur la Suisse?

Ce qui alimente les craintes d’un peuple constitue toujours une menace pour les institutions politiques et ces dernières doivent être capables d’y répondre. Bien évidemment, nous devons continuer à offrir une certaine protection aux plus faibles avec des conditions cadres adaptées. Au final, je ne crois pas que la numérisation va supprimer des emplois. Au contraire, je pense même qu’elle en créera davantage, en passant par une phase transitoire que nous devons accompagner. Ici aussi, il est important que nous favorisions l’éducation là où, précisément, de tels bouleversements surviennent et que nous permettions aux personnes concernées de se perfectionner et d’être parées pour l’avenir. Cela nécessite dans une première étape que la Confédération mette suffisamment de moyens à disposition. Pour cela, les politiciens devront débattre sérieusement afin de déterminer les postes budgétaires qu’il faudra réduire par ailleurs. 

Et qu’en est-il des personnes qui ne peuvent ou ne souhaitent pas suivre de nouvelles formations? Un revenu de base inconditionnel est-il nécessaire?

Je ne pense pas. Tout comme le projet Prévoyance 2020 qui selon moi est une première étape vers une pension nationale. A l’avenir, les individus ne se contenteront pas de repos, ils souhaiteront également avoir un travail. Je pense qu’ici aussi, les responsables politiques doivent trouver de nouvelles réponses. En particulier dans une société vieillissante avec des besoins croissants en matière de soins, il existe de nombreuses tâches utiles qui ne peuvent être ni informatisées ni automatisées. En effet, elles nécessitent une intelligence émotionnelle qu’aucune machine, aussi sophistiquée soit-elle, ne pourra jamais posséder. Ces tâches doivent donc être socialement valorisées et convenablement rémunérées. Ce débat devra aussi avoir lieu.

Revenons à l’économie: avec de nouveaux modèles commerciaux de rupture, la numérisation a balayé du marché certaines entreprises traditionnelles. Quels conseils donneriez-vous aux entreprises suisses?

L’économie suisse s’est toujours distinguée par sa grande capacité d’innovation et d’évolution. Naturellement, la numérisation entraîne des défis. Mais l’adaptation permanente, les nouvelles orientations, l’ouverture et la mise en œuvre de nouvelles idées font partie de la vie d’une entreprise. De nos jours, il n’est certainement plus recommandé de se reposer sur ses lauriers: lorsqu’une entreprise manque un virage important, elle doit réajuster son cap; elle est donc amenée, dans tous les cas, à évoluer.

 

Petra GössiPLR – Les Libéraux-Radicaux

La juriste et conseillère nationale Petra Gössi est présidente du PRD Suisse depuis avril 2016.