Un aperçu de notre vie en 2030

Nous sommes en 2030. Cela fait déjà de nombreuses années que la Suisse est entièrement interconnectée. L’IdO, l’internet des objets, fait partie intégrante de notre quotidien: dans l’industrie, les processus et l’utilisation des matériaux ont atteint un haut degré de précision. La production est exactement alignée sur la demande et même les installations complexes assurent leur propre maintenance. Au sein des entreprises, l’IdO est devenue synonyme de gains de productivité, contrôle de la qualité, réduction des coûts et augmentation du chiffre d’affaires. Dans les espaces de vie publics et privés, l’IdO rime avec solutions intelligentes à haute efficacité énergétique et qualité de vie élevée. La mobilité multimodale, décentralisée et axée sur les besoins, est devenue la norme et permet aux déplacements de s'inscrire dans la durabilité: respectueux de l’environnement, sobres en énergie et économiques.

L’automatisation et la robotique aussi ont franchi des étapes majeures:  les tâches dangereuses et ingrates sont en grande partie réalisées par des robots. Il n'y plus que sur les chantiers que l'on voit parfois encore quelques ouvriers, tous en exosquelette bien entendu. Dans l'industrie manufacturière, l'impression 3D pilotée par ordinateur permet de produire en grande et en petite série de manière décentralisée et économique. Dans tous le pays, des véhicules autonomes assurent le transport des marchandises et, dans les centres-villes où le trafic a été réduit, nous ne plaignons plus de parkings onéreux pleins à craquer, mais après du shopping, nous nous accordons un moment de détente dans une rue reconvertie en espace ludique, pendant qu'un drone transporte nos achats directement chez nous.

Pour gérer la quantité quasi incommensurable de moyens de production équipés de capteurs et de calculateurs, les entreprises et les organisations misent désormais de plus en plus sur les «intent based networks», ces architectures de réseau flexibles qui s'adaptent automatiquement aux besoins. Les importants volumes de données alimentent la concurrence entre les fermes de données. Il n'y a guère plus de centres de données locaux, la puissance de calcul s'est déplacée vers le cloud, l'efficacité énergétique étant devenue un nouveau facteur clé en raison du changement climatique. Dans le domaine des puces également, un changement d'époque a eu lieu: Intel a jeté l'éponge et il n'y a plus de processeurs ARM dans les terminaux. Et la blockchain, le «stockage de données» dynamique pour les flux de valeurs, a le vent en poupe: il imprègne les applications de la finance, des assurances et de la legaltech, permet de réaliser les contrôles de la qualité, surveille le transport des marchandises et accélère les transactions juridiques.

Suite aux cyberattaques de grande ampleur, les États se sont entendus sur le traité de non-prolifération cybernétique au milieu de la décennie et l'autorité de contrôle internationale a débuté ses opérations l'année dernière à Nairobi. Les réseaux sont devenus plus sûrs et plus résilients depuis que les fournisseurs se sont mis d'accord sur des normes mondiales contraignantes au sein des organisations de normalisation techniques. Il n'y a guère eu de blocages ni de défaillances ces dernières années, et la protection des données est également intégralement assurée depuis que l'identité auto-souveraine est devenue la norme et que les législateurs ont imposé aux grandes plateformes la protection de la vie privée dès la conception.  

Le développement de l'intelligence artificielle a été considérable: l'amélioration des algorithmes et de l'identification des formes a permis de réaliser des gains de productivité insoupçonnés, les puces se programment désormais toutes seules et une réalité augmentée recouvre le monde réel de diverses couches virtuelles avec lesquelles nous pouvons directement interagir.  Les lentilles de contact numériques et le bouton derrière l'oreille ont remplacé le smartphone. Elles montrent à l'autotronicien quelle pièce remplacer et comment, simplifient les opérations complexes pour les médecins et placent les contenus à apprendre littéralement à portée de main des élèves. Bien entendu, également, nous ne consultons presque plus les médias que sur l'«écran interne».

La technologie des réseaux poursuit son développement exponentiel et les cycles d'innovation sont de plus en plus courts. Les systèmes fonctionnant par satellites sont interconnectés avec les infrastructures de communication terrestres et l'introduction de la 6G est bien avancée. Il n'y a eu guère de résistance cette fois-ci: le débat public sur l'introduction de la 5G il y a dix ans a permis de mieux comprendre la technologie de la téléphonie mobile et ses risques. Et depuis le triomphe de la télédiffusion et du jeu 3G, le très haut débit fixe et mobile va autant de soi que l'électricité et l'eau potable.

Dans le domaine scientifique, la technologie quantique s'est imposée. L'holosimulation pour développer de nouveaux matériaux et médicaments, les capteurs et la métrologie quantiques pour les mesures à haute précision et la technologie de chiffrement impossible à hacker ne sont que quelques-unes des ces nouvelles possibilités fascinantes.

Le séquençage de l'ADN nouvelle génération (NGS) rend possible le séquençage d'un génome humain complet en l'espace de quelques heures, révolutionnant l'identification précoce des maladies. Le deep learning continue de faire progresser le diagnostic médical assisté par l'image. La médecine personnalisée est désormais la norme et, les systèmes de retraite ayant été mis à rude épreuve avec la crise de la dette née de la grande pandémie, de nombreuses personnes âgées travaillent plus longtemps grâce à des implants qui maintiennent leur productivité.

Et personne ne pleure les emplois détruits dans l'industrie et les services, car ils ont depuis longtemps été remplacés par de meilleurs emplois nouvellement créés dans l'économie de l'information.

Retour en 2021. Les évolutions dont nous venons de dresser les contours n'en sont qu'à leurs prémices. Cependant, leur développement ne cesse de s'accélérer et il convient de ne pas uniquement jeter un regard critique sur celles-ci, mais avant tout à prendre part ensemble à leur conception. Cela constitue non seulement un devoir mais également une opportunité pour notre pays.

 

Peter Grütter

Peter Grütter est le président de l’Association suisse des télécommunications (asut).